Céleste Brunnquell, un talent à l’état brut (2024)

Sur le fauteuil en cuir qui trône à l’entrée de la production Les Films du poisson, dans le dixième arrondissement de Paris, Céleste Brunnquell ne s’est assise qu’à moitié, comme si elle s’apprêtait à partir. Le regard fuyant mais profond, le sourire espiègle, l’élocution légèrement précipitée : la comédienne a des airs de Camille, personnage qu’elle incarne dans la série En Thérapie (1). Dans le premier épisode qui lui est consacré, cette adolescente écorchée vive se retrouve, elle aussi, coincée sur un canapé, celui de son thérapeute incarné par Frédéric Pierrot, auquel elle fait tout pour échapper. Séance après séance, au même rythme que les autres patients (Mélanie Thierry, Reda Kateb ou encore Clémence Poésy), la jeune effrontée se laisse finalement apprivoiser.

Il y a un peu plus d’un an, sa première apparition à l’écran dans Les Éblouis, le bouleversant premier film de Sarah Succo, lui avait déjà donné l’occasion de jouer à la jeune rebelle : elle y incarnait une aînée de douze ans en guerre contre des parents aveuglés par la foi, et se montrait convaincante, dans les scènes de violentes disputes comme dans les séquences silencieuses, avec un naturel déconcertant. « Je dois avoir un physique d’ado à problème, plaisante la comédienne aux yeux bleus encadrés par une épaisse chevelure blonde lui donnant plutôt un air angélique. Mais je vais grandir, alors je ne m’inquiète pas ! ».

Du haut de ses 18 ans, elle veille à tenir son personnage à distance. « C’est l’acteur qui doit dominer le rôle, pas l’inverse », lance-t-elle en s’esclaffant à moitié, peu convaincue par la devise qu’elle vient d’improviser. Derrière les rires qui ponctuent certaines de ses phrases, elle dissimule encore un léger embarras face à l’exercice de l’interview. « Quand les choses me tiennent à cœur, je n’arrive plus à m’exprimer », confie-t-elle.

Le goût du jeu

Chaque fois qu’elle parle de théâtre, pourtant, Céleste Brunnquell a le verbe facile et les traits apaisés. Lorsqu’elle est repérée par une directrice de casting en 2018, la lycéenne, alors inscrite en première littéraire, suit les cours du Théâtre de l’Atelier. Les planches l’enchantent depuis la classe de CM2. « La profondeur des rôles, le collectif, le travail de la mise en scène et le rapport au public : tout me plaît ! ».

La comédienne, dont la seule présence dégage quelque chose de théâtral, a retrouvé un peu de cette énergie lors de son dernier tournage. « Quand il y a un décor unique et de longs monologues à apprendre par cœur, tout se joue dans le travail du ton et des nuances, comme au théâtre ! », explique-t-elle.

En l’espace de deux ans, à l’issue desquels elle a aussi obtenu son baccalauréat, son jeu lui a valu deux tournages, une nomination aux César et des dizaines d’articles de presse la qualifiant de « révélation ». Mais vers un horizon que la crise sanitaire rend toujours plus flou, Céleste se plaît à naviguer à vue. Après avoir envisagé d’intégrer la classe libre du Cours Florent, elle a entamé une licence d’Histoire de l’Art puis a abandonné, avant de s’inscrire au Théâtre National de Bretagne. « Avec moi, c’est toujours “on verra” ! », s’exclame la jeune actrice.

Curiosité sans bornes

On pourrait diagnostiquer, chez elle, une sorte de boulimie artistique. Céleste Brunnquell nourrit une passion pour les musées et les expositions, dévore les romans d’Annie Ernaux, dessine assidûment des portraits au feutre noir fin, « comme Cocteau ! », et fantasme sur le rôle du « Sphynx » de la Machine infernale… de Cocteau, encore. Élevée dans la capitale par des parents qui lui ont transmis très tôt leur passion du cinéma, elle continue de parfaire sa culture auprès de sa grande sœur. Depuis toujours, elle est aussi fascinée par les films musicaux de Jacques Demy : « c’est tellement généreux ! », lâche-t-elle, des étoiles d’enfant dans les yeux.

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La jeune actrice admire les personnalités multi-casquettes, les hommes et les femmes à tout faire, les êtres libres dont elle voudrait être. Sur le plateau des Éblouis, à peine avait-elle fini de tourner sa séquence qu’elle aidait la production, manipulait la caméra, collait des scotchs par terre. « Je voulais être partout », dit-elle avec une spontanéité enfantine. Sa curiosité sans borne la poussera peut-être, un jour, à passer de l’autre côté de la caméra.

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Son inspiration. Le cinéma d’Éric Rohmer

« Je suis très sensible au cinéma d’Éric Rohmer, confie Céleste Brunnquell. Dans ses films, j’aime à la fois le côté simple et naturaliste, puisqu’ils ressemblent souvent à des documentaires filmés avec peu de moyens, mais aussi l’aspect très bavard avec des personnages qui portent la voix pour dire tout haut ce qu’ils pensent, sur un ton peu naturel et avec une diction exagérée. Je pense notamment aux « Contes d’Été », où les dialogues des acteurs doivent couvrir le bruit des “vraies gens” qui sont sur la plage à côté d’eux. C’est un de mes réalisateurs préférés et je trouve que son cinéma, qui se rapproche un peu du théâtre, est très réconfortant, surtout quand on se sent seul. Je me suis toujours un peu identifiée à ses personnages parce que j’ai l’impression qu’ils formulent mes propres pensées. »

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